Episode 1
Atelier Bouts | Christ Couronné d’Épines – Radiographie
La radiographie consiste à prendre un cliché aux rayons X. Tout le monde connaît les radios – votre propre dossier médical en contient probablement quelques-unes. Cette technique existe depuis plus d’un siècle. Les radiologues envoient les rayons X sur la partie du corps de la personne à examiner. De l’autre côté du corps est posée une plaque photosensible, c’est-à-dire une pellicule.
Les os étant relativement épais et denses, les rayons ont du mal à les traverser et n’atteignent donc que peu – voire pas du tout – la plaque photosensible. Une fois la plaque développée, les zones non exposées apparaissent claire. En revanche, les tissus plus mous et moins denses tels que les muscles laissent passer les rayons. Au développement, ils apparaissent mats et plus sombres. Donc, plus la quantité de rayons qui traverse le tissu est importante, plus la pellicule sera foncée.
C’est exactement ce même principe qu’on utilise pour radiographier les tableaux. La peinture au plomb ou contenant d’autres matériaux lourds retient les rayons et donnera des zones claires sur le cliché. Les matériaux plus légers tels que les pigments végétaux, qui laissent passer les rayons X, apparaîtront en gris ou en noir sur le film.
Les radiographies que vous voyez ici ont été faites à l’arrivée du « Christ Couronné d’Épines » à l’atelier de restauration. Les petits éléments blancs qu’on voit sur les bords sont les clous de fixation des planchettes, qui ne sont pas d’origine et ont été retirées lors de la restauration. Les deux taches blanches au centre correspondent aux cachets de cire au dos du tableau. Les rayons X traversent le panneau et nous permettent donc de voir ce qui se trouve derrière le panneau.
Bien que les couches de peinture soient très usées et minces, laissant donc passer une grande quantité de rayons, le cliché nous permet tout de même de constater une série de choses. Le peintre a commencé par poser de la feuille d’or qui empêche partiellement le passage des rayons, ce qui donne une zone plus claire sur la radiographie. À l’endroit prévu pour la tête du Christ, le peintre n’a pas appliqué de feuille d’or. C’est ce qu’on appelle la technique de la réserve, qui était très pratiquée au 15e siècle.
Pour la tête elle-même, il a appliqué une sous-couche au blanc de plomb, qui bloque assez bien les rayons X, de sorte que le cliché est plus clair dans cette zone. La chevelure a été réalisée en fines couches de peinture. Comme elles laissent passer les rayons, cette zone du tableau est plus sombre. Les petites taches blanches sur la couronne d’épines correspondent à de petites touches au blanc de plomb pour marquer la lumière.